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Féminisme

en chantiers 

Depuis 2012, E-Romnja apporte son soutien aux femmes roms des communautés marginales.

Rencontre avec la présidente de cette association féministe, Carmen Gheorghe.

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Carmen pose avec la pancarte, crée à l'occasion de la journée de la femme : "Veux-tu prendre un selfie avec moi ?"

Le logo de E-Romnja, ici dessiné par des enfants, représente la roue Rom incrustée dans le symbole féminin. 

De l’indifférence à la discrimination


Les problèmes des femmes roms concernent les infrastructures avant tout. Les autorités locales sont « souvent peu réactives » lorsqu’il s’agit d’améliorer les conditions de vie dans les communautés roms. Les femmes, qui sont souvent à la maison pour s’occuper des enfants, sont les premières victimes de cette indifférence. 


L’association œuvre pour qu’elles puissent se rassembler régulièrement, pour identifier les manques et peser sur les décisions locales. Pour construire les onze rues à Mizil, elles ont ainsi monté une pétition. Elles ont récolté 500 signatures, assez pour pouvoir présenter le projet à la municipalité et le faire aboutir. 


L'objectif est donc aussi important que la manière d'y parvenir. L'idée est que les femmes s'engagent dans le processus de décision. Pas question pour E-Romnja de décider à leur place. « C’est un échange mutuel. Il faut que ce soient elles qui prennent en main les problèmes. On fait ça petit à petit mais c’est très long. » Et pas toujours facile, car ces initiatives ne sont pas bien vues des maris. « Les hommes sont plutôt réticents, ils pensent qu’on sait tout mieux qu’eux.»


Alors pour entretenir le contact et motiver les participantes, E-Romnja a désigné neuf médiatrices parmi les femmes. Elles sont également invitées à se réunir régulièrement dans les locaux de l'association à Bucarest. 


E-Romnja veille également à ce que les femmes roms soient informées de leurs droits. En 2013, le gouvernement roumain a offert à toutes les Roms un dépistage du cancer du col de l’utérus. Peu le savaient. Le médecin à Mizil a refusé de faire le test sous prétexte que « les tsiganes* avaient accès à trop de services gratuitement ». Il en a aussi profité pour le faire payer 1000 euros. « On a dû se battre avec lui pendant deux mois pour obtenir gain de cause."

Se dissocier du féminisme académique


La réalité du terrain est donc très différente de ce à quoi se préparait Carmen Gheorghe. Diplômée d’une thèse en études de genre à l’université de Bucarest, elle envisageait la question des femmes « d’un point de vue philosophique ».


Mais une fois engagée dans le milieu associatif, elle s’est pliée avec humilité au quotidien des femmes roms. « J’ai beaucoup appris d’elles. Vous savez, elles sont très pragmatiques. Elles vont droit au but pendant les réunions car elles ont bien d’autres choses à faire. Elles nous disent "on a une heure parce qu’après il faut que je prépare le repas avant que mon mari ne rentre". » Elle travaille depuis 2008 dans le milieu associatif et se dissocie d’un féminisme « académique, élitiste et trop politisé ». 


A 35 ans, Carmen Gheorghe ne ressemble pas aux femmes qu’elle soutient. Elle est née Rom, mais ne connaît pas le romani et, détail qui compte dans la communauté, elle a coupé court ses cheveux bruns qu’elle a teints auburn. Avec son jean slim déchiré aux genoux et ses sautoirs fantaisie, elle a tout d’une Rom urbaine de la classe moyenne, comme il en existe beaucoup. « J’ai grandi sous le communisme et mes parents m’avertissaient : "ne dis surtout pas que tu es Rom, chuchote-le." »


Au contraire de la plupart des femmes qu’elle aide sur le terrain, elle n’a jamais souffert de discrimination. Mais elle a créé cette association car le sens de son action est de « construire un pont entre les femmes roumaines et les femmes roms. En tant que femme rom je veux commencer à le construire ».


Mouvement Rom : ensemble des associations et des mouvements politiques qui œuvrent pour lutter contre toutes les formes de discriminations envers les Roms ou pour mettre en valeur une culture rom.


Tsigane : ce terme, qui signifie « esclave » en roumain, est très péjoratif.

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