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Quelque part en Transylvanie, dans le petit village de Beica-de-Jos, Marcel Ramba commence son interview en japonais, histoire de taquiner un peu nos traducteurs roumains. Devant la bouteille de tuica, entretien avec une pointure internationale du violon tsigane. 

Marcel Ramba, le violon dans les veines

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« C’est la tradition, voilà tout ». Dans la famille Ramba, la musique est un flambeau qu’on se passe à chaque nouvelle génération pour éclairer les froides nuits de Transylvanie. Ce soir là, autour de la grande tablée familiale, on peut aussi compter sur la fidèle bouteille de tuica pour réchauffer les ventres et les cœurs. Et quelques  rouleaux de Sarmale* plus tard, l’artiste est fin prêt à nous conter son histoire.  


Né en février 1969, Marcel Ramba grandit au sein d’une famille rom de ferronniers, près du petit village de Beica-de-Jos où il réside aujourd’hui. Tous, ou presque sont musiciens amateurs. « Mon père a été mon premier professeur ». Ouvrier dans une usine d’instruments à Reghin, c’est lui qui  pour la première fois lui met un violon entre les mains, à l’âge de 5 ans.

« Dans le village, on a tout eu en premier : la radio, la télévision, la bicyclette… C’était ça, le premier pas vers la civilisation, vers l’intégration. »  Jeune homme, Marcel Ramba intègre l’Institut académique de musique de Cluj et passe brillamment plusieurs concours de musique internationaux.  « J’ai choisi cet instrument parce que dans la musique rom, le violoniste est le leader du groupe. C’est aussi lui qui est le mieux payé ! »  























Ambassadeur de la culture Rom














En Roumanie, on dit qu'un crâne chauve est une marque de sagesse. Le sourire en coin, les traits burinés dans un visage rond, Marcel Ramba colle parfaitement à cette image du patriarche, le regard qui porte loin et la tête pleine de mélodies magiques. À 47 ans, le violoniste tsigane est désormais un musicien aguerri et reconnu, qui se déplace partout en Europe, aux États-Unis, au Japon… S’il en a eu plusieurs fois l’opportunité, Marcel Ramba n’a jamais imaginé quitter la Roumanie, trop attaché qu’il est à la musique de ses ancêtres. «  Tour-à-tour occupées par les Austro-hongrois, les Turcs, les Russes… Chacune des microrégions de Roumanie a développé au fil de l’Histoire une influence particulière de la musique rom : austro-hongroise en Transylvanie, juive en Moldavie, plutôt balkanique dans le sud… J’essaye de cultiver cette diversité.»



Un bon vivant 


En tournée, le violoniste aime accompagner de grands ensembles de danseurs et d’instrumentistes mais dans son pays, il continue de se montrer à des fêtes populaires, l’archer affûté pour tous types de publics, qu’ils soient roumains, roms, magyars*… « Je m’adapte à l’auditoire et à la fin en général, tout le monde danse. » 


En tant que Rom, Marcel Ramba accepte volontiers son rôle d’ambassadeur d’une culture et d’une tradition tsiganes. « Je suis fier d’être rom, comme je suis fier d’être roumain.»  Pour le violoniste, la musique est un bon moyen d’intégration pour la communauté. « La musique, c’est quelque chose qui vous chatouille gentiment l’oreille. Forcément, on va se souvenir de cette partie positive de l’identité rom. » Une manière aussi pour l’artiste de combattre les clichés autour du tsigane voleur de chevaux. « Personnellement, je n’ai pas de problème avec la police, ou alors si, pour des amendes de stationnement ! » Son troisième (ou quatrième?) verre de tuica à la main, Marcel Ramba n'est pas non plus cette caricature du tsigane replié sur lui-même : « j'adore les sarmales, mais j'aime aussi le whisky, les femmes roumaines, ou roms, les Japonaises et les Françaises… » Chez nous, on appelle ça un bon vivant !  











































Jouer quinze heures d’affilée… 


Si aujourd’hui Marcel Ramba reconnaît gagner très bien sa vie, il rappelle que le métier de musicien rom demeure difficile. « Dans les mariages roumains, les orchestres sont à cent pour cent constitués de musiciens roms. Tu commences à jouer le vendredi soir et tu accompagnes les mariés jusqu’au lundi matin. Forcément, les gens boivent beaucoup, te bousculent… À la campagne, on peut jouer quinze heures d’affilée et la famille vous paye avec un sac de patates ; ce n’est pas très rentable ! »


Le violoniste déplore que la musique se perde dans sa communauté. « Avant, dans chaque maison on pouvait trouver un musicien, qui ne jouait pas de manière professionnelle mais sortait volontiers son violon ou son accordéon pour accompagner le travail aux champs,  dans les baptêmes, les mariages ou les enterrements. Maintenant, il ne reste plus que deux musiciens professionnels et trois amateurs dans le village. » Les enfants de Marcel Ramba, eux, ont emprunté d’autres itinéraires que celui de leur père, vers le droit ou le commerce international. « Je suis triste mais c’est la vie ! Pour me consoler, je reçois des élèves du monde entier à qui je peux transmettre mon savoir. » Depuis deux ans, Marcel Ramba accueille chez lui des musiciens roumains, allemands, japonais, qui souhaitent apprendre la musique rom. Ils y perfectionnent l’art de la doina, la ballade, ou bien reviennent aux racines d’une musique folklorique ancestrale… Assurément, Marcel Ramba est un passeur de mémoire. 



Tuica : C’est l’eau de vie locale., Elle provient de la distillation des prunes et se boit à la russe : cul sec ! 


Sarmale : Mets traditionnel roumain et moldave. Il s’agit généralement de choux farcis avec de la viande hachée de porc et du riz. Pofta buna ! Bon appétit. 


Magyars : Terme employé pour désigner les Hongrois. 

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La tuica : chaleur humaine en bouteille

Marcel "Hendrix" Ramba

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