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« Je ne travaille pas pour les Roms mais pour la Roumanie »

Nicoleta Bitu est une femme très importante dans le milieu activiste rom. Elle a créé Romani Criss, une association de défense des droits des Roms en Roumanie. Depuis 2012, elle travaille à Romano Butiq, une association qui se bat pour protéger leur culture. 

Comment êtes-vous devenue une activiste pour le droit des Roms ?

Mes parents m’ont transmis une chose essentielle : la fierté d’être rom. Ils étaient tous les deux très pauvres, mais ils sont toujours restés fiers et n’ont jamais caché leurs origines. Nous avons beau être fiers, quand on est rom, on doit faire face au racisme quotidiennement. On nous appelle les « tsiganes » ( formule péjorative en Roumanie ) et on doit toujours prouver aux autres qu’on est capable... Il faut être le meilleur parmi les gadgémot romani désignant tous les individus étrangers à la population rom ). Même intégré, on reste celui qui a la peau foncée. Du coup, j’ai décidé de travailler avec les Roms. Et je fais ça depuis maintenant vingt-cinq ans !


Pourquoi lutter pour la préservation de la culture rom ? Est-elle en danger ?

Le communisme a contribué à la formation d’une élite rom. Tout le monde, sans distinction, a été forcé d’aller à l’école. C’est ainsi que mon père est devenu officier de police. Mais par ailleurs, le régime a détruit les métiers traditionnels. Les Roms sont devenus des ouvriers. La transmission de père en fils, qui se faisait depuis des générations, s’est arrêtée. Et nous avons perdu les traces de notre culture.


Comment reconstruire cette identité « perdue » ?

Le mouvement rom de Roumanie est très concentré sur les questions de droits, moins sur les questions de culture et de diversité. Nous avons donc créé le premier centre de documentation sur les Roms d’Europe, et avons ouvert un musée à Bucarest. Ensuite, avec Romano Butiq, nous avons permis à des artisans de se réunir en coopératives pour vendre leurs produits et créer ainsi un système économique viable. Les Roms ont toujours travaillé et sont très fiers de leurs savoir-faire. On a toujours cette image du Rom qui ne veut pas travailler et pourtant le travail fait profondément partie de notre identité et de notre Histoire. En Roumanie ils sont divisés en une vingtaine de familles de métiers. Les plus connus sont les Lautari (les musiciens), mais il y a aussi les Kalderash (les chaudronniers qui travaillent le cuivre), les Gabori, (qui fabriquent les toits en zinc), les argentiers, les artisans du bois, les montreurs d’ours, la vanniers, les ébénistes, les forgerons, les potiers… C’est important de renouer les liens avec notre Histoire. Pas seulement pour les Roms mais pour la société roumaine. Je ne travaille pas pour les Roms, je lutte pour la Roumanie.


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