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"L’image du « Rom nomade » est une image fantasmée"

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Samuel Delépine est maître de conférences en géographie à l'université d'Angers. Il est spécialisé en géographie humaine et sociale. Il poursuit ses recherches sur les Tsiganes en Europe et s’intéresse tout particulièrement au thème de la ségrégation socio-spatiale qui affecte ces populations.

Nomade ou sédentaire, quel est le mode de vie des Roms de Roumanie ?

L’image du « Rom nomade » est une image fantasmée que l’on a depuis la France. Il y a une confusion entre les migrants, les gens du voyage et les Roms. En effet, les Roms ont été nomades. Mais en Roumanie, de la fin du XIVème siècle jusqu’à la moitié du XIXème siècle, les Roms ont subi l’esclavage. Les familles tsiganes ont alors été fixées dans des quartiers prévus à cet effet. Puis, sous le régime communiste de Ceausescu, les Roms ont connu une nouvelle vague de sédentarisation forcée. Aujourd’hui, ils sont donc en très grande majorité sédentaires.


Où vivent les Roms en Roumanie ?

La sédentarisation forcée a laissé des marques. Les communautés roms sont restées fixées dans les mêmes endroits que leurs ancêtres. Ces quartiers tsiganes sont appelés « Mahala ». Isolés, en périphérie, ces espaces, qu’ils soient ruraux ou urbains, ont gardé un aspect très rural. Le niveau de vie y est relativement bas. Dans les villes, certains Roms vivent dans des quartiers d’habitat collectif post-communistes. L’exemple le plus connu : Ferrentari à Bucarest. Depuis les années 90, ces quartiers souffrent d’un processus de ghettoïsation grandissant. Il s’agit de grands ensembles urbains, récupérés et squattés par des familles roms à la chute du régime. 

Autre cas dont on parle moins : les Roms assimilés. Certains Roms ont quitté leur communauté et se sont totalement intégrés dans l’espace urbain. Il s’agit souvent des classes les plus socialement évoluées. Enfin, le plus spectaculaire : les palais tsiganes. Les Roms les plus aisés montrent leur richesse en construisant de grandes demeures clinquantes, synonyme de réussite. 

 

Exclusion et marginalisation sont-elles des caractéristiques de l’habitat rom ?

À l’évidence, oui, car la stigmatisation est un marqueur qui construit forcément une identité collective. La marginalisation d’un quartier crée un entre-soi qui accentue la marginalisation. C’est un cercle vicieux qui crée une identité locale propre. Mais je ne dirais pas que c’est caractéristique de l’habitat des Roms. Ce processus de ségrégation géographique est commun à beaucoup d’autres populations discriminées. Je dirais plutôt qu’il faut s’attarder sur l’aspect social de cette discrimination : ce sont avant tout des quartiers pauvres.