"Les Roms ont toujours un problème d’estime de soi"

Petre Petcut est historien à l’université de Cluj, en Roumanie. Il  est spécialiste de l’histoire de l’esclavage des Roms en Roumanie.

Quand les Roms sont-ils arrivés en Roumanie ?

Nous avons une première trace de leur présence qui date de 1385. D’où ? Pour le moment, nous n’avons que des hypothèses. La plus répandue estime que les Roms venaient d’Inde. De la fin du XIVème siècle jusqu'au XIXème siècle, ils ont été mis en esclavage dans les principautés de Valachie et de Moldavie. Ils étaient esclaves pour l’État, pour l’Église orthodoxe et enfin pour les particuliers. À partir du XVIème siècle, l’esclavage s’est institutionnalisé avec ses propres décrets. L’un d’eux interdisait que les Roms et les Roumains se marient entre eux. C’est d’ailleurs à cause de cette décision que l’assimilation des Roms n’a pas pu avoir lieu en Roumanie. L’esclavage a disparu à partir des années 1840 sous l’impulsion des seigneurs moldaves et valaques éclairés qui revenaient d’Europe de l'ouest.

La discrimination a-t-elle commencé dès leur arrivée ?
Oui, leur statut d’esclave était déjà une discrimination. Mais c’est surtout à la fin de l’esclavage que l’anti-tsiganisme a commencé. En effet, ils sont devenus des citoyens, mais continuaient à être employés par leurs anciens maîtres. Le rapport entre eux est devenu difficile. Puis, lors de la première réforme agraire en 1860, aucune terre n’a été accordée aux Roms. Il a fallu attendre 1930 et la deuxième réforme pour qu’on leur donne quelques terrains, seulement à ceux qui avaient combattu lors de Première guerre mondiale. Enfin, lors de la Deuxième guerre mondiale, il y a eu l'Holocauste au cours duquel 25 000 Roms au minimum ont été déportés en Transnistrie.

Quel impact ont eu ces discriminations successives sur l’identité rom ?
Pendant les siècles d’esclavage, les Roms dits sédentaires, étaient souvent séparés, on vendait leurs enfants. Pour moi, la conséquence de ce démembrement familial est la désacralisation de l’enfant qui est visible encore maintenant avec, par exemple, certains Roms qui font mendier leurs enfants. Et puis le génocide des Tsiganes a eu un impact terrible, c’est un vrai traumatisme dans l’histoire collective. Encore aujourd’hui, certains ne veulent pas se déclarer rom par peur d’êtres déportés.

Et aujourd’hui, quelle est la situation ?

Les Roms ont toujours un problème d’estime de soi. Mais les choses commencent à changer avec notamment l’augmentation du nombre de Roms riches. L’argent leur permet de se valoriser et de ne plus se sentir inférieur par rapport aux Roumains. Doucement, les mentalités évoluent.